Quel intérêt un directeur supply chain trouverait à engager son organisation dans une démarche durable ? Un écho publicitaire auprès de sa direction? La mise en avant de ses convictions citoyennes ? Si c’est cela, la supply chain durable, alors arrêtons-nous ici. En effet, si l’organisation n’y trouve aucun bénéfice, alors la démarche est stérile, coûteuse et improductive. Il est noble de verser de l’eau dans un réservoir de voiture, tant que l’on ne doit pas rouler. Pour ma part, je préfère le moteur hybride, qui diminue le coût d’utilisation du véhicule et en augmente les performances. Or, contrairement à ce que l’on pense, la supply chain durable est bien un moteur hybride, qui ronronne déjà dans la plupart des entreprises, sans même que celles-ci le sachent. Reste à appuyer sur l’accélérateur.
En préambule, lorsque l’on parle de « supply chain durable », de quoi est-il question ? Si les mots « supply chain » recouvrent une réalité que nous partageons tous, l’adjectif « durable » induit un ensemble de concepts issus du « développement durable » qui reposent sur une idée forte : un système pérenne concilie trois dimensions : économique, écologique et sociale, comme le montre le schéma.
Si l’on part de la dimension économique, les optimisations de coûts et de performances des supply chain ont mécaniquement entraîné des effets positifs d’un point de vue écologique. Par exemple, le lean manufacturing supprime les tâches inutiles et les gaspillages, ce qui réduit la consommation énergétique de la chaîne et ses rejets. L’optimisation des plans de transports (recherche opérationnelle), des packagings (éco-packaging), de la gestion des retours (reverse logistique) réduisent la consommation carbone. Le management de la supply chain par l’optimisation des coûts réduit donc son impact environnemental : économique et écologique sont ici synergiques.
En partant du point de vue environnemental pour aller à l’économique, les supply chains collaboratives sont révélatrices. En effet, elles intègrent leur environnement immédiat pour agir sur leurs performances. La mise en place d’EDI, comme celle de contrats logistiques, sont des premiers pas, dont l’efficience n’est plus à démontrer, qui utilisent l’environnement de l’entreprise au service de sa performance économique. Le grand pas suivant est celui d’un changement d’échelle environnementale, à savoir appliquer cette logique collaborative à niveau supérieur pour des gains bien supérieurs. Parce que l’environnement d’une entreprise ne se réduit pas à ses clients et ses fournisseurs, elle a l’opportunité de se servir de son écosystème géographique, souvent constitués d’autres entreprises, pour réduire son impact écologique tout en augmentant ses performances économiques. Imaginons que les déchets et les rebuts d’une entreprise A deviennent matières premières pour une entreprise B voisine… Imaginons que ces deux entreprises mutualisent leur plan de transport… Imaginons qu’elles partagent leurs ressources selon leur saisonnalité… Utopie ? L’écologie industrielle n’en est pas à son coup d’essai. L’exemple le plus marquant est celui de Kalundborg au Danemark. Quatre entreprises ont inventé ces pratiques pour optimiser leurs approvisionnements en vapeur dans les années quatre-vingt-dix. Depuis la démarche a fait son chemin, la symbiose industrielle est certifiée ISO 14001 et l’on dénombre au moins quinze exemples d’éco-parc. Le bilan est d’une part une réduction de la consommation carbone et des déchets émis, d’autre part la diminution des coûts de fourniture des matières premières et de fonctionnement.
Quel crédit accorder à une organisation incapable de générer de plus-value sociale ? Et ce, non seulement pour la société dans laquelle elle s’inscrit, mais avant tout pour les hommes qui la fondent ? Il s’agit là certainement d’un des challenges les plus difficiles à relever pour les entreprises françaises. Que cela soit la sédimentation d’un clivage historique entre patronat et syndicat, ou l’application de méthodes de travail défiant toute efficacité : réunionites chroniques, power point et chiffres contra phobiques, approche du travail par le volume horaire et non le résultat, organisations et hommes obnubilés par des objectifs particuliers sans considération d’un intérêt commun, nos pratiques méritent notre attention ; d’autant plus que les choses changent. Considérer que l’amusement est le premier moteur de l’entreprise, qu’il est capable de libérer l’énergie et la créativité des collaborateurs ainsi que leur faculté à travailler ensemble est irréaliste. Payer des salles de repos pour que ceux-ci fassent la sieste, y mettre des cuisines avec des frigos remplis, c’est-à-dire faire d’un lieu de travail un lieu de plaisir, relève de l’hypocrisie. Pourtant ce sont là les stratégies de la deuxième valeur boursière mondiale, Google, qui n’est pas une entreprise philanthropique, et donne la preuve que la prise en compte du bien être des salariés est un véritable levier de performance.
En conclusion, penser la supply chain durable comme un oxymore est une aporie. Mieux vaut construire une approche didactique, qui permet de dépasser des oppositions qui ne sont qu’apparentes. Économique, écologique et social sont les synergies de demain.
Gabriel Gillet
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