La réussite d’une opération d’outsourcing ou d’externalisation se mesure d’abord à la transparence des opérations de bascule sur le fonctionnement général de l’entreprise : c’est le démarrage 0 défaut. Elle se mesure ensuite dans la continuité de mise en œuvre des fonctionnalités externalisées chez les utilisateurs. Enfin, cette réussite trouvera son accomplissement dans la capacité du prestataire à accompagner les évolutions de l’environnement. Ceci énoncé, l’unique voie pour y parvenir réside dans l’anticipation des risques lors de la phase préalable d’étude.
La mise en œuvre d’une stratégie d’externalisation d’une fonction support de l’entreprise est avant tout un projet transversal majeur. En aucun cas, il n’est souhaitable de l’aborder sous l’angle d’une opération bénigne et maintes fois exécutée par nos concurrents, aisément déployée par les meilleurs acteurs et prestataires du marché. C’est une opération lourde de conséquences par sa transversalité et les risques de déséquilibre qu’elle fait peser sur tous les métiers et acteurs de l’entreprise et de son environnement : actionnaires (risques sur le résultat distribué), employés (risque social), clients (risque commercial) et les fournisseurs (risque industriel).
Etape 1 : « Connais-toi toi-même ! » (Inscription au frontispice du Temple de Delphes)
Toute (bonne) analyse stratégique commence par l’étude de l’entreprise et de son environnement.
Il en va de même pour une fonction ou pour un groupe de fonctions que l’on envisage de confier à un prestataire. Le candidat à l’externalisation doit prendre connaissance, de manière exhaustive, de ses niveaux de qualité, de ses coûts actuels et de l’intégralité de ses règles de gestions et contrats de services.
Il faut s’assurer que les niveaux de qualité de la prestation interne, mesurés par des indicateurs simples, permettent à l’entreprise d’atteindre ses objectifs commerciaux et financiers. Si ces niveaux de qualité sont satisfaisants, ils devront être contractualisés avec le futur prestataire. S’ils n’étaient pas satisfaisants, une bonne recommandation pour l’entreprise serait d’améliorer les performances de ses processus avant de les externaliser.
Les coûts actuels doivent refléter un fonctionnement autonome de la fonction ou du groupe de fonction.
Les ETP (Equivalents Temps Plein) calculés doivent prendre en compte les temps d’activité des personnes extérieures au périmètre étudié qui sont en fait consacrés à des tâches spécifiques du service à externaliser. Par exemple, dans une entreprise d’objets décoratifs, le service marketing prépare ses échantillons en prélevant dans l’entrepôt, les conditionne et les expédie sans passer par le service logistique. Si l’on externalise l’entrepôt, ces tâches seront sans doute réalisées par le prestataire et il convient donc de les valoriser.
Parfois, dans certaines entreprises, l’imputation analytique peut être trompeuse et influer sur la perception et la valorisation du périmètre que l’on envisage d’externaliser. Une employée chargée des documents douaniers pour le service logistique peut être imputée dans le service comptable et devenir un coût fixe logistique dans l’externalisation. Les expéditions par les services postaux peuvent être comptabilisés en frais généraux dans l’entreprise mais devenir une charge logistique dans l’externalisation.
Il convient donc de rechercher la bonne valorisation à partir des organigrammes, des fonctions effectives et des locaux et ne pas se contenter de reprendre la valorisation par le contrôle de gestion ni le montant des charges dans le compte d’exploitation logistique.
Même exhaustive, cette valorisation des charges internes ne suffit pas à estimer le coût de l’externalisation. Il convient d’y ajouter d’éventuels frais de transfert de marchandise, de supervision de la prestation, de contrôle de facturation… Nous avons besoin, pour y arriver, de recenser l’ensemble des règles de gestion et des contrats de services au cœur de la prestation que l’on veut externaliser.
Les cas de gestion explicitent ou modifient des processus selon qu’ils s’appliquent à tel ou tel produit, plage horaire, client, fournisseur… Par exemple, dans le processus « Préparation des commandes clients », on relève le cas de gestion des « commandes d’échantillons » qui ne sont pas préparées par le service logistique mais par le service marketing.
Le contrat de service définit le cadre dans lequel s’exerce le processus ou la règle de gestion. Dans le contrat de service, on trouve un engagement à faire ou ne pas faire quelque chose, à respecter des délais ou des niveaux de qualité pour l’exécution du processus. Toujours pour le processus « Préparation d’une commande client », une règle de gestion dit que la préparation des commandes d’échantillons est réalisée par le service marketing et la règle implicite dit que le délai de traitement de la commande est de 24h après la réception de la demande du client. Dans le futur contrat de service, cette règle implicite devra être explicitée et valorisée.
La synthèse de l’analyse de l’existant contient donc les éléments suivants :
- L’organigramme, fiche de fonctions, descriptif des locaux ;
- La liste des Processus, des règles de gestion et des contrats de services ;
- Le coût actuel et le coût envisagé
L’ensemble de ces documents doit être validé par les dirigeants.
L’étude permettra aussi d’analyser les benchmark et la satisfaction des besoins des concurrents – confrères qui ont externalisé tout ou partie du même périmètre que celui qu’on étudie.
Etape 2 : Analyser l’environnement de son entreprise et du projet
Une fois établi le relevé exhaustif des coûts, des règles de gestion et contrats de service de la prestation interne, il s’agit de scruter attentivement le marché afin de sélectionner les solutions qui existent et fonctionnent dans cet environnement de l’entreprise. L’enjeu est de bien sélectionner :
- Les prestataires et prestations possibles
- Les entreprises qui ont déjà réalisé l’opération envisagée
L’analyse de l’environnement est déterminante pour définir le périmètre réellement externalisable.
La recherche des solutions possible est l’analyse des offres du marché. Par exemple, pour l’externalisation d’une activité d’entreposage, nous recenserons les entrepôts à louer, les entrepôts prestés, les projets à bâtir… Nous étudieront les prestataires à proximité de notre activité actuelle mais aussi à proximité du barycentre de nos clients. Nous regarderons la facilité d’accès, la concentration de circulation, les interdictions d’accès, les taxes locales…
En nous appuyant sur les fédérations et groupements locaux, nous appréhenderons les réalisations, sur le même thème, de nos concurrents et confrères, ou même d’entreprises d’autres secteurs dont les processus logistiques sont approchants des nôtres.
L’analyse des résultats d’externalisation des pionniers apporte un autre angle d’éclairage. Souvent, par soucis de conservation du secret, nous devons nous contenter d’expériences de sociétés d’autres marchés que le nôtre. Néanmoins, il faut recueillir ces perceptions pour se faire une idée plus précise des enjeux et des risques et pour déceler les obstacles à l’atteinte des objectifs qui ont présidé à ces expériences d’externalisation.
Ce que vous faites aujourd’hui vous-même, dans un entrepôt ne pourra pas vous coûter moins cher chez un prestataire logistique juste parce qu’il a de l’expérience. Entre frais de structure/siège/holding (régional ou national), surfaces inexploitées, déficits d’autres activités, il apparaît difficile de croire que la seule appartenance à un métier garantisse une baisse des coûts. Cependant, à niveau de qualité égale, les facteurs qui permettraient de réaliser des économies seraient la mécanisation et la mutualisation des outils sur des activités à valeur ajoutée.
Ceux qui feront le pari de la saisonnalisation et de la variabilisation des coûts ne doivent perdre de vue que les variables d’ajustement sont souvent des intérimaires qui coûtent de 20 à 30% plus cher que leurs personnels fixe.
Quant au recentrage sur son cœur de métier, il réserve parfois des surprises. Par exemple, une activité de négoce est, avant tout une activité d’approvisionnement « juste-à-temps » et de distribution. Externaliser sa logistique quand on est une société de négoce constitue souvent une perte de maîtrise sur son cœur de métier.
Conclusion : Faisabilité du projet
Il conviendra donc, à l’issue de cette deuxième étape de confronter le projet d’externalisation à la réalité du contexte de l’entreprise et de son environnement.
La présentation d’une synthèse des deux premières étapes lors d’un comité de « Décisions » devrait éclairer l’entreprise sur ses objectifs et les enjeux d’une telle opération.
C’est à l’aune de cette prise de conscience issue de l’analyse interne et externe que le comité pourra décider ou non de la poursuite du projet et de l’engagement de ressources supplémentaires de l’entreprise dans son organisation et son pilotage.
Laurent Bourdin
Retrouvez bientôt la suite et fin de cet article en 2 parties.