Cet article, prenant appui sur un panel représentatif de projets, décrit les relations entre un client et son intégrateur, depuis sa sélection jusqu’au déroulement du projet d’intégration de la nouvelle application dans le système d’information du client.
Le rôle d’une éventuelle assistance à maîtrise d’ouvrage (AMOA) dans cette relation n’est pas détaillé dans cet article. En effet, lorsque la transformation est importante (organisation et/ou pratiques) ou que la gestion de projet nécessite d’être renforcée, une assistance à maîtrise d’ouvrage sera complémentaire de l’intégrateur dans le dispositif projet et les relations entre ces deux acteurs et le Client s’envisageront différemment.
1. Au début était la sélection…
La démarche « efficace »
Plusieurs types de procédures peuvent être mis en œuvre afin de sélectionner un intégrateur adapté à vos besoins. Néanmoins, le processus de base peut se décomposer en 6 étapes élémentaires :
Ce processus peut cependant être complexifié et allongé par différents facteurs :
La procédure juridique suivie, notamment dans le cadre de l’attribution de marchés publics. Par exemple, une procédure de type « dialogue compétitif » peut ajouter au moins 3 étapes supplémentaires que seraient :
- L’envoi d’un programme fonctionnel décrivant sommairement les besoins
- L’analyse des réponses à cette première publication
- La sélection des participants au dialogue compétitif
Une incertitude sur les solutions apportées et donc l’ouverture en cours de compétition à d’autres intervenants qui pourraient également répondre aux besoins exprimés.
Les « grandes règles »
Lors des divers projets analysés, quelques règles communes se sont détachées
Le cahier des charges doit comprendre une partie littéraire décrivant la procédure suivie, le contexte, le système d’information existant, les points d’attention. Ceci permet au lecteur de bien comprendre le contexte de l’appel d’offre et de positionner le besoin dans un cadre formel.
Un tableau de couverture fonctionnelle doit être annexé décrivant les différentes fonctions requises sur lesquelles l’intégrateur doit se positionner (besoin couvert en standard, en spécifique, non couvert. Généralement sous la forme d’un tableau à remplir, sa simple lecture doit permettre de comprendre les besoins à couvrir de manière synthétique.
Une description des scénarios de démonstration à effectuer lors des auditions doit être annexée afin de guider l’intégrateur lors des présentations mais également pour illustrer par des exemples le cahier des charges. Ces scénarios sont en général assortis de jeux de données (articles, clients, fournisseurs, tarifs… Le fait d’illustrer permet de bien faire ressortir les points importants et d’apporter du relief à une description littéraire des besoins.
Les descriptions fonctionnelles doivent s’orienter autour de points clés permettant de départager les intégrateurs entre eux à les Questions Qui Tuent (QQT). La rédaction des cahiers des charges, des scénarios de démonstration et des notations tourne autour de ces questions et permet de dégager le meilleur choix possible. Par exemple la gestion de la TVA pour tel établissement public ou la vision 360° du client pour telle société de vente à distance.
Le niveau hiérarchique des décideurs doit être élevé pour aboutir : compte tenu des changements et des montants envisagés, il serait illusoire d’engager un processus de choix de progiciel de gestion intégré uniquement avec un Directeur Informatique par exemple. Par ailleurs, l’appropriation par les décideurs de la société du choix à venir est un facteur clé de succès pour le projet de mise en œuvre, qui va de toute manière les concerner au premier chef.
La décision n’est pas immédiate sur une seule réunion mais doit être amenée progressivement en faisant participer les décideurs le plus possible aux processus d’auditions et de notations afin qu’ils s’approprient le choix en toute connaissance de cause. Il faut laisser du temps au temps.
Les critères de choix
Pour sélectionner les intégrateurs à consulter, plusieurs sources peuvent être utilisées :
- Internet
- Les forums/séminaires (notamment les invitations sous forme de mailing précisant les participants/exposants)
- Les connaissances ayant déjà participé à des appels d’offres ou qui utilisent des logiciels similaires
- Des sociétés équivalentes en taille ou en secteur d’activité, pouvant éventuellement servir de références
- Un cabinet de Conseil spécialisé
Les critères de choix les plus couramment utilisés lors des projets afin de départager les candidats sont les suivants :
- La qualité de l’offre écrite reçue
- La pertinence et la qualité des références clients dans des secteurs d’activité comparables
- La qualité des équipes de mise en œuvre proposées
- L’ampleur des développements spécifiques à réaliser pour aboutir à la solution ou la capacité à utiliser l’application standard
- L’adéquation entre la recommandation technique et le savoir-faire de l’entreprise
- L’engagement de résultat
- Le niveau de prix
Ces critères sont pondérés en fonction de l’importance que chaque société souhaite leur attribuer. Ainsi, le critère de « niveau de prix » peut prendre plus ou moins d’importance selon que l’on souhaite privilégier plus ou moins l’adéquation de la solution aux besoins, et donc le ratio qualité/prix.
Conclusion
Les principes que nous pouvons tirer des travaux menés se synthétisent ainsi :
La durée moyenne des étapes du processus de sélection constatée permet de déduire qu’une phase de sélection est un projet de l’ordre de 4 mois au minimum
Lors des consultations, il est nécessaire d’intégrer un taux de réponse des candidats de l’ordre de 75% (donc un taux de non réponse de 25%). Ceci notamment afin d’éviter de se retrouver au final avec un nombre de candidats à comparer trop réduit, ne permettant pas de faire jouer la concurrence ou d’avoir des points de comparaison insuffisamment nombreux. Ainsi, un panel de comparaison de l’ordre de 4 candidats permettrait d’approfondir la concurrence et les points fonctionnels dans des conditions optimales.
En moyenne, le processus de sélection prend le tiers du temps total du projet (hors maintenance), avec toutefois des disparités fortes. Cette règle n’est pas applicable à tous les projets mais permet d’avoir en tête que le processus de sélection est d’une durée significative et représente une phase importante à ne pas négliger.
En conclusion, quelques règles semblent se dégager de notre panel d’analyse :
- Consulter un nombre suffisant de candidats afin de faire jouer à plein la concurrence et de garder une marge en cas de défection ;
- Dégager un consensus parmi les décideurs, faire participer aux notations et dégager des moyennes ;
- Ne pas avoir d’a priori sur le choix final mais laisser se dérouler le processus.
En complément de ces conclusions, une règle a été constatée lors des projets analysés :
Un candidat faible à l’écrit peut s’avérer fort à l’oral. L’oral prime sur l’écrit.
Il est donc important pour les candidats intégrateurs de soigner la présentation orale des offres lors des auditions autant et même plus que leur rédaction
2. … Puis vint le contrat
Deux grands types de contrats peuvent être signés avec les intégrateurs : en Régie ou au Forfait.
Malheureusement il n’existe pas de solution idéale, chaque type de contrat comportant des avantages et des inconvénients, que nous avons résumés ainsi :
Il n’y a donc pas de solution préférée car les deux peuvent être appliquées avec autant de réussites que de difficultés.
Au-delà de la relation contractuelle, il semble nécessaire de bien définir les responsabilités en précisant un RACI (matrice de responsabilités, avec un détail des livrables par responsable que ce soit le Client ou l’intégrateur). De même, la rédaction d’un Plan d’Assurance Qualité permet de définir le contenu des livrables et leur niveau de qualité requis, ainsi que les modalités de fonctionnement requises durant le projet. Le simple fait de mentionner un livrable ne permettant pas de définir son contenu, il est bon de lever toute ambiguïté en décrivant notamment le format et le sommaire des documents attendus.
3. … Et enfin vint le projet
Le pilotage de la prestation de l’intégrateur
L’intégrateur commence sa mission par différents ateliers, des études et en général un approfondissement des besoins, au-delà du cahier des charges. Il est important, dès le début, de mettre en place des outils de pilotage structuré au moyen :
- De réunions régulières
- De documents de pilotage synthétiques
Ainsi, la bonne pratique de pilotage constatée est de définir pour les réunions :
Un point d’avancement hebdomadaire (« Vous en êtes où ? ») dont l’objectif est de recenser les actions effectuées la semaine précédente, les actions de la semaine suivante, les difficultés rencontrées et les décisions à prendre. Ce point est en général réalisé avec l’équipe projet.
Un point d’avancement mensuel, essentiellement à vocation d’information sur l’avancement et de décisions sur les points relevant d’un niveau hiérarchique supérieur. La présence des principaux décideurs est nécessaire à ce comité (ex : DG, DSI, DSC, DAF).
Pour les documents de pilotage, la synthèse est un gage d’efficacité.
En effet, en raison de la multiplicité des points abordés et des difficultés rencontrées, il est plus que préférable de rapporter uniquement des résumés, en ajoutant si possible des codes couleurs pour identifier les points importants. Ainsi, nous privilégierons un document de type « rapport flash » reprenant tous les éléments sur une feuille A4, plutôt qu’un compte-rendu littéraire que peu d’interlocuteurs prendront le temps de lire.
La gestion des problèmes
Un projet ne se déroule jamais comme prévu. Il est donc important de prévoir dès le début comment seront traités les problèmes à venir :
- Quelles instances pour quel niveau d’escalade ?
- Qui rapporte les problèmes ?
- Quel mécanisme juridique le cas échéant ?
- Quelle latitude budgétaire ?
L’idéal étant d’arriver à trouver avec son intégrateur un partenariat gagnant-gagnant permettant à chacun de trouver son compte dans les arbitrages tout en préservant l’atteinte de l’objectif commun : mettre en production l’application dans des conditions acceptables de qualité et de budget.
En conclusion de cet article, nous pensons que les bonnes pratiques décrites permettent d’aboutir à une relation saine et équilibrée entre le client et son intégrateur. Elles favorisent l’atteinte des jalons d’un projet en permettant des échanges équilibrés qui doivent être la base de cette relation. C’est bien là tout l’enjeu :
- Bien choisir
- Obtenir un contrat équitable
- Gérer conjointement
Afin d’aboutir à un objectif commun, profitable aux deux parties.
Didier Paulhiac