Certains projets, dits de transformation, ont vocation à imprimer durablement leur marque dans l’histoire des entreprises. Comment ces projets viennent-ils impacter le périmètre de responsabilité du DAF ? Quel rôle le DAF peut-il jouer dans ces grands projets ? De quels outils dispose-t-il pour les maîtriser ?
Les projets de transformation, impactant simultanément les SI, les pratiques professionnelles et l’organisation, sont de plus en plus fréquents dans la vie des entreprises. Ils touchent des sujets de plus en plus critiques et atteignent des niveaux de complexité toujours plus élevés sans que, pour autant, la « culture projet » des entreprises suive forcément le mouvement. Le taux « d’accidents projet » et l’état d’esprit des équipes à la sortie de nombreux chantiers en témoignent.
Le DAF a donc un rôle de premier plan à jouer dans ce type de projets. D’abord, en tant qu’apporteur de visibilité financière pour aider à décider la mobilisation de l’investissement lié au projet et en tant que prescripteur de la meilleure manière d’appréhender son recouvrement. Ensuite, en tant que responsable du système de mesure des performances de l’entreprise, et, par là même, juge de paix du coût final du projet et de la réalisation objective de ses promesses. Et enfin, comme responsable d’une fonction qui devra, comme les autres, faire face au changement et participer à l’effort nécessaire à la minimisation du temps nécessaire à la récupération de l’investissement.
1- Le DAF, décideur en amont
En tant que « décideur amont », le DAF sera amené à se prononcer sur l’opportunité d’engager le projet (go/no go) et, par conséquent, sur celle de consentir l’investissement associé. Il analysera les investissements liés au projet et les charges induites par celui-ci et devra se prononcer sur leur pertinence. Il essaiera même de cerner le retour sur investissement du projet.
Alors qu’il est d’usage d’en appeler au calcul de la valeur actuelle nette (VAN) pour mesurer le retour sur investissement, les particularités organisationnelles et temporelles induites par le mode projet poussent à aller plus loin dans la préparation de la décision en la fondant sur des critères et des indicateurs de performance. Diminuer de 5% le volume moyen des stocks, gérer de façon plus pertinente le crédit clients, réduire de cinq jours le délai moyens de règlement clients sont, par exemple, des objectifs de performance compréhensibles par tous, relativement faciles à chiffrer, de nature à permettre la prise de décision concernant le lancement du projet et susceptibles de permettre un suivi dans le temps.
Dans ce sens, le DAF devrait jouer un rôle de premier plan au sein du projet de transformation lui-même, en apportant à la direction de l’entreprise, et à ses pairs, la visibilité nécessaire – au travers de la quantification des gains de performance escomptés – se positionnant ainsi en facilitateur de prise de décision. Dès lors, les promesses annoncées par le projet ne pourront être prises au sérieux que si les instruments de mesure officiels de l’entreprise les certifient au travers de la comptabilité analytique, du reporting, ou des indicateurs du contrôle de gestion.
Le partage avec l’ensemble de la direction, voire du management de l’entreprise, des objectifs mesurables de gains de performance aura également un impact très favorable sur le plan pédagogique : cela permettra au DAF d’illustrer de façon concrète ses attentes en matière de responsabilisation budgétaire. Il devra, par ailleurs, proposer des sources de financement cohérentes avec l’état des finances de l’entreprise, ses politiques de financement et les conditions du marché financier.
2- Le DAF, garant du système de contrôle de performances de l’entreprise
Qui dit mode projet, dit changements opérationnels importants. Des modifications dans le périmètre opérationnel de l’entreprise (cession d’activités, croissance externe, etc.), la perspective de nouveaux marchés, l’adoption de nouvelles pratiques professionnelles (normes professionnelles, réorganisation de la supply chain, restructuration des forces commerciales, relocalisation des processus productifs, etc.) seront de nature à exiger de la part du DAF une attention et, le cas échéant, une réactivité importantes.
Il n’est pas rare que des projets de transformation mettent « hors jeu » des systèmes de contrôle de la performance de l’entreprise que la direction administrative et financière avait mis des années à mettre en place. Le DAF devra adapter ses pratiques et ses outils de suivi de la performance à une situation nouvelle, à une nouvelle organisation, créant de nouveaux indicateurs-clés, reconfigurant la diffusion d’information de gestion, etc.
3- Le DAF, « patron » d’une fonction
Manager, le DAF sera impacté par des décisions le concernant directement. La mise en place de centres de services partagés, la délocalisation de certaines fonctions de son périmètre de responsabilité ou la concentration géographique d’autres fonctions constituent des exemples de décisions l’impactant en tant que responsable opérationnel. Que ces décisions proviennent d’arbitrages pris par le DAF lui-même dans le cadre du projet ou par d’autres responsables de l’entreprise, son département devra s’adapter. Il devra notamment – tout en ajustant son organisation interne, et, probablement, en adoptant de nouveaux outils – veiller au maintien des conditions de travail raisonnables, à la qualité de sa production et à la motivation se ses équipes.
Daniel Aslanidès
Cet article est paru initialement dans le n°10 de DAF magazine (février-mars 2013)