Le succès d’un projet repose, en grande partie, sur la capacité de l’entreprise à y appliquer une méthode rigoureuse : objectifs clairs, démarche anticipée, ressources adéquates, budget adapté, planning réaliste, suivi régulier… Pourtant, il arrive que, malgré tous les efforts mis en œuvre, le projet dévie de sa trajectoire initiale, parfois de manière critique.
Reconnaître une crise
On parle de « crise » lorsque le projet, pour diverses raisons, ne peut plus être piloté dans son cadre habituel. Des échanges, verbaux ou écrits, commencent, par exemple, à s’effectuer en dehors des instances ordinaires du projet. Ou bien des ressources commencent à quitter le projet. Ou bien encore des livrables ne sont plus officiellement validés. Autant de signaux d’alarme qui indiquent que le projet est sorti de ses rails, et qui ne doivent pas être pris à la légère.
Car on aurait tort de croire qu’une crise se résout d’elle-même, simplement en y allouant de nouvelles ressources ou en y réinjectant du budget. Résoudre une crise, c’est d’abord prendre conscience de son existence, identifier ses causes, et mettre en œuvre une méthode spécifique, pour permettre au projet de reprendre progressivement son rythme de croisière.
Responsabiliser, gagner en visibilité, restaurer la confiance
Le traitement d’une crise passe en effet par une rupture du rythme et de la méthode habituels du projet. L’objectif : changer de braquet, pour traiter les points de difficultés plus efficacement.
1) Faire un constat de la situation
Comme pour un accident de voiture, il est impératif, avant toute chose, de faire un constat de la situation. C’est-à-dire de mesurer les dégâts et d’identifier les dysfonctionnements qui en sont éventuellement à l’origine, afin d’en tirer un plan d’actions spécifique. Même si les causes de la crise peuvent être objectives, il faut que chaque acteur du projet prenne conscience de son existence et en assume la responsabilité partagée.
2) Raccourcir les échéances
Il faut, ensuite, veiller à fixer des jalons simples à atteindre et plus rapprochés – par exemple sur un rythme hebdomadaire plutôt que mensuel – pour concrétiser la production de livrables (leur difficulté pouvant ensuite s’accroître progressivement). L’objectif est ici de retrouver de la visibilité sur le projet et de restaurer la confiance des équipes et de la hiérarchie, en montrant que le projet continue d’avancer.
3) Densifier les relations interpersonnelles
A ceci doit s’ajouter un pilotage quotidien du projet. Il n’est plus question de se réunir une fois par semaine : chaque acteur du projet doit rendre compte chaque jour de l’avancement de ses propres tâches. Il s’agit ici de responsabiliser les différents intervenants sur leurs livrables et de densifier leurs échanges avec l’ensemble du groupe projet, afin de renforcer et soutenir une collaboration en continu. De plus, ce partage régulier des tâches et des comptes rendus permet d’éviter les tâches sans réel propriétaire, chacun attendant que l’autre s’en charge.
4) Réduire le nombre de participants
Souvent surpeuplées, les réunions de pilotage ne permettent pas toujours une prise de décision rapide et efficace. C’est pourquoi il est essentiel, en temps de crise, de réserver ces réunions aux seuls décideurs : d’une part pour les impliquer personnellement dans le dispositif mis en place, d’autre part pour s’assurer d’avoir des réunions plus productives.
5) Formaliser la progression du projet étape par étape
Comptes rendus, rapports, présentations d’avancement… : la progression du projet doit être formalisée, afin de lui donner de la visibilité et d’assurer un suivi plus rigoureux à chaque nouvelle étape franchie.
6) Rassurer les décideurs
En fonction du contexte et de la nature du projet, il peut être utile de prévoir des entrevues en one-to-one avec les décideurs, afin de les rassurer sur l’avancement du projet, leur expliquer les mesures appliquées et la progression des différents chantiers.
7) Traiter les problèmes de fond
Il est temps alors de s’attaquer aux problèmes « de fond », c’est-à-dire aux causes profondes de la crise. Faut-il améliorer la qualité des livrables ? Augmenter le budget ? Allouer de nouvelles ressources ? Quel que soit le problème à résoudre, rien ne sert de s’y atteler tant que les premières mesures « techniques » et « relationnelles » n’ont pas été mises en œuvre, et que le rythme de gestion du projet n’a pas été modifié.
8) Observer l’évolution des signes initiaux
Une crise se termine lorsque les signes initiaux disparaissent. Il faut donc rester attentif à l’évolution de ces signes, afin d’évaluer à quel moment il est opportun de lever les différentes mesures exceptionnelles mises en place.
9) Lever les mesures progressivement
Il n’est pas question pour autant de revenir brutalement au rythme habituel du projet : il faut au contraire décélérer et allonger les échéances progressivement, pour garder le contrôle et retrouver petit à petit le cours normal du projet. La sortie de crise nécessite autant d’attention que l’entrée.
10) Documenter et faire le bilan
Trop souvent oubliée, la documentation du projet est pourtant primordiale : elle permet de garder une trace de tout le déroulé du projet, de ses points de difficultés et de la façon dont ils ont été surmontés. Documenter et faire un bilan en fin de crise permet d’objectiver les événements et d’en tirer les bonnes leçons pour les éventuels projets à venir.
Une crise est rarement insoluble : il est possible d’en sortir, à condition de se retrousser les manches, d’avoir la bonne démarche intellectuelle et de mettre en œuvre les bonnes mesures. Responsabiliser les équipes en assignant toutes les tâches, rompre la routine du projet, intensifier le rythme et les relations, rester vigilant et se faire confiance : telles sont les clés pour remettre un projet dans le droit chemin.
Didier Paulhiac