Le modèle économique linéaire actuel, consistant à fabriquer, consommer, et jeter, n’est plus viable sur le long terme. En effet, il faudrait en moyenne 1,75 Terre pour subvenir aux besoins actuels de l’humanité selon l’ONG Global Footprint Network.
Jusqu’à maintenant, les entreprises se sont surtout attaquées à la gestion du « zéro déchet » par la mise en place de politiques de recyclage. Cependant, cela ne correspond qu’à un des pans de l’économie circulaire et en outre le plus gourmand en ressources (i.e. main d’œuvre, matière, énergie).
Qu’est-ce que l’économie circulaire ? Quelles actions d’économie circulaire sont à privilégier ? Quel nouveau business model découle de l’économie circulaire ?
De nombreux organismes proposent leurs propres définitions de l’économie circulaire (e.g. ADEME, Commission européenne, Fondation Ellen Mac Arthur) mais il n’existe pas de définition internationale standardisée. En synthèse, on peut dire que l’économie circulaire est un système régénératif autonome ayant pour but de :
- Découpler la création de valeur économique de la consommation de ressources ;
- Etendre la durée de vie des produits et augmenter leur utilisation pendant leur cycle de vie à travers le principe de « looping » décrit ci-après ;
- Renouveler le capital naturel, par la réduction des extractions de ses ressources et par la mise en œuvre du cycle biologique ;
- Limiter les gaspillages de ressources et préférer l’utilisation de ressources renouvelables.
L’économie circulaire, appliquée à la Supply Chain, consiste en l’implémentation combinée de plusieurs boucles illustrées par le diagramme Papillon, établi par la fondation Ellen MacArthur.
Ce diagramme représente les relations entre intrants et extrants (produits, composants, matières, énergie). Il distingue les flux de produits techniques et les flux de produits biologiques :
- Pour les produits techniques, plusieurs boucles (« loops ») permettent de restaurer la matière :
- Les boucles internes (« inner loop ») permettent d’augmenter l’intensité d’utilisation du produit. Celui-ci est réutilisé par le client ou partagé / revendu à un autre utilisateur avec peu ou pas de réparation par celui-ci. Ces boucles impliquent des plateformes de revente ou de partage entre utilisateurs, des services de garantie ou de maintenance ou des tutoriels utilisateurs pour qu’ils puissent réparer eux-mêmes leur produit ;
- Les boucles secondaires augmentent la durée de vie du produit. Celui-ci est retourné pour être remis à neuf / reconditionné en remplaçant les composants obsolètes ou endommagés ;
- La boucle externe (« outer loop ») permet la création de nouveaux composants en limitant l’utilisation de nouvelles matières premières. Les composants n’ayant pas pu être réutilisés sont recyclés.
- Pour les produits biologiques, le but est de restituer la matière biologique à la biosphère pour construire un capital naturel. On parle non pas d’utilisation, mais de consommation car ces produits sont dégradés.
Les boucles internes, puis secondaires, sont à prioriser car moins consommatrices de ressources du fait de l’utilisation maximale des produits, tel qu’illustré par l’Institut de la Durée de Genève : « One should not repair what is not broken, not remanufacture what can be repaired, not recycle what can be remanufactured ».
L’économie circulaire, qui nécessite la mise en place de nouveaux flux pour supporter ses « boucles », implique une transition vers un nouveau business model où le producteur reste propriétaire et responsable du produit jusqu’à sa fin de vie tout en vendant au client l’utilisation des fonctions Produits. Ceci permet notamment d’augmenter le nombre de retours des produits finis usagés. Ce business model est connu sous diverses appellations : modèle de performance, product as a service, servitisation, accessibility-based, etc. Il se caractérise par :
- Un design des produits circulaires, i.e. limitant l’utilisation de matières critiques (e.g. plastique) et toxiques, sélectionnant des matières et composants locaux, modulaire, standardisé et facilitant le désassemblage ;
- La gestion de la logistique inverse via entre autres : la collecte et la segmentation des produits retournés, la remise à neuf, le recyclage et les contrôles qualité ;
- L’adaptation des moyens de financement de l’entreprise pour supporter les investissements de « redesign » de la Supply Chain et un plus grand besoin en fonds de roulement (pour compenser la baisse des revenus de vente à court terme par des revenus de location à long terme) ;
- De nouveaux modes d’innovation et de collaboration à travers toute la chaine de valeur afin de réaliser les boucles en interne ou en partenariat avec les fournisseurs et clients ;
- De nouveaux indicateurs de performance et l’instauration de standards. De nombreuses études ont été menées et certains indicateurs ont déjà été proposés. Par exemple, dans son document de référence 2018, Tarkett documente entre autres le pourcentage d’énergies renouvelables consommées, les taux d’émissions de gaz à effet de serre, la proportion de matériaux issus de matières renouvables ou recyclés, la proportion de matériaux recyclés utilisés comme matière première en production et le pourcentage de déchets effectivement recyclés.
Ce business model se prête bien à certains secteurs comme l’industrie automobile, propice aux flux de réparation / réutilisation / remise à neuf des produits, ou le secteur de l’habillement qui est un des plus exigeants en ressources et dont les produits ont une durée de vie très courte.
Afin d’accélérer la mise en œuvre de ce nouveau business model, de nombreux gouvernements incitent les entreprises à mettre en place des supply chains circulaires par le biais de lois et d’incitations économiques comme entre autres, l’Union Européenne avec le Paquet Economie Circulaire et le Japon avec le Basic Act for Establishing a Sound Material-Cycle Society établi depuis l’an 2000. Enfin, la France se distingue avec la publication de la Feuille de Route pour l’Economie Circulaire, la signature d’un Pacte national sur les emballages plastiques (pour le recyclage et leur éco-conception) par une dizaine de multinationales et également un projet de loi souhaitant interdire la destruction des invendus non-alimentaires.
En synthèse, l’économie circulaire, poussé par la prise de conscience sociétale, fait émerger le nouveau business model « product as a service ». Sa mise en œuvre nécessite notamment la mise en place de nouveaux flux et de nouvelles relations entre partenaires. Dans un prochain article, nous verrons comment adapter la Supply Chain pour supporter ces flux.
Cette publication fait partie d’une série d’articles sur l’économie circulaire et ses impacts sur la Supply Chain, telle que nous la connaissons aujourd’hui ; il vise à introduire le concept d’économie circulaire. Par la suite, nous verrons comment la Supply Chain permet de mettre en place l’économie circulaire, comment la digitalisation de celle-ci est un atout pour sa circularisation et enfin nous verrons comment un serious game peut vous aider à transformer vos Supply Chains pour les rendre circulaires et rentables.
Sources :
https://www.ellenmacarthurfoundation.org/fr/economie-circulaire/concept
http://www.product-life.org/fr
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/feuille-route-economie-circulaire-frec
https://www.supplychain247.com/article/circular_supply_chain_the_missing_link/Circular_Economy
http://www.tradeready.ca/2017/fittskills-refresher/benefits-circular-supply-chain/
http://circulareconomytoolkit.org/
https://www.aslog.fr/economie-circulaire-vers-modeles-de-production-de-consommation-durables/
The regenerative supply chain: a framework for developing circular economy indicators by Mickey Howard, Peter Hopkinson and Joe Miemczyk, 2015
Chloé Desquirez
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